Appel à contribution
Information publiée le dimanche 7 juin 2009 par Marc Escola
Pour une critique créatrice
Il faudrait supposer l'oeuvre non encore faite, l'oeuvre à faire,
entrer dans le courant créateur qui est antérieur à elle, qui la dépose et qui la dépasse.
En d'autres termes, la critique vraiment créatrice, vraiment adéquate à la création géniale, consisterait à engendrer le génie,
au sens où l'on dit que la géométrie engendre une figure
lorsqu'elle la définit par le mouvement qui la donne.
A. THIBAUDET, Physiologie de la critique, 1930 : « La création en critique »
La critique littéraire est-elle vouée par nature et fonction à rester un « discours second » entièrement subordonné à un texte premier qui peut seul prétendre à la dignité d'un discours créateur ? Si l'activité critique est régulièrement raillée, par les auteurs eux-mêmes, comme une pratique « parasite », est-il tout à fait déraisonnable d'espérer réconcilier critique et création, en projetant des formes de commentaires qui s'autorisent à intervenir sur la lettre du texte pour l'imaginer autrement ?
Des thèses de M. CHARLES sur la "culture rhétorique" (L'Arbre et la source & Introduction à l'étude des textes, Seuil, 1985 & 1995) aux « contre-enquêtes » de P. BAYARD qui invitent à une forme de critique « interventionniste » pour laquelle « il n'y a pas d'oeuvre complète » (Qui a tué Roger Ackroyd ?, Enquête sur Hamlet, L'Affaire du Chien des Baskerville, Minuit, 1998, 2002, 2008), des déclarations plus anciennes de M. BUTOR (« L'activité critique consiste à considérer les oeuvres comme inachevées », Répertoire III, Minuit, 1968 : « La critique et l'invention ») aux propositions plus discrètes de J. DUBOIS (« À l'heure où de nombreux romans enferment leur propre métadiscours, il n'est pas anormal que, de son côté, l'opération critique paye son tribut à l'oeuvre d'imagination et réinvente dans certaines limites le roman dont elle traite », [in :] La Critique et l'invention, Éditions Cécile Defaut/Villa Gillet, 2004 : « Pour une critique-fiction ») jusqu'à l'état des lieux dressé par Y. CITTON (Lire, interpréter, actualiser. Pourquoi les études littéraires ?, Amsterdam, 2007), des dernières lignes de Nouveau Discours du récit (Seuil, 1983) où G. GENETTE revendiquait pour la poétique tout le champ des possibles et donc aussi de l'inédit (« À quoi servirait la théorie si elle ne servait aussi à inventer la pratique. […] Nous n'avons fait jusqu'ici interpréter la littérature, il s'agit maintenant de la transformer ») jusqu'au récent Codicille (Seuil, 2009) où le même théoricien ne s'interdit pas d'interpoler dans Mme Bovary quelque monologue d'un Charles adultère, il semble que tout un courant de la poétique moderne n'ait cessé de revendiquer pour la critique littéraire un droit de réponse aux sollicitations de l'oeuvre, et la possibilité de relever le défi toujours lancé par les auteurs — « Faites-en donc autant ! ».
Dans le droit fil de deux précédents colloques organisés par l'équipe Fabula (La Case blanche. Théorie littéraire et textes possibles, 2006, et Lire pour écrire. Une nouvelle finalité pour l'enseignement de la littérature, 2008, à paraître) et des travaux en cours réunis dans les pages « Textes possibles » de l'Atelier du théorie littéraire du site Fabula, une prochaine livraison de la revue C.R.I.N. (Cahiers de recherche des instituts néerlandais de langue et de littérature française, dirigés par F. Schuerewegen & M. Smeets, publiés par l'Université de Nimègue (Pays-Bas) et diffusés par les éditions Rodopi) voudrait rassembler une douzaine de contributions consacrées aux aspects proprement théoriques de toutes les « transgressions » de la frontière séparant texte et métatexte, mais aussi aux nouvelles formes de commentaire qui tentent de conjuguer commentaire et réécriture pour concevoir le discours critique comme production de « variantes ».
Les propositions d'une quinzaine de lignes sont à adresser simultanément à Marc.Escola@univ-paris8.fr & Sophie Rabau (srabau@free.fr) avant le 30 octobre 2009. Doctorants & jeunes chercheurs bienvenus.
Pour les auteurs retenus, les textes finaux (5000 mots environ, précédés d'un bref résumé de 8 à 10 lignes) seront à remettre avant le 15 mai 2010, pour une parution à l'automne suivant.
À la demande des participants, une journée d'études et de discussion des textes reçus pourra être organisée dans l'intervalle, en juin 2010, dans le cadre des activités de l'équipe Fabula à l'École Normale Supérieure.